En 2028, c’est la ville tchèque de Budejovice, en Bohême du Sud, qui sera Capitale Européenne de la Culture – Avec Rouen Seine Normande 2028 nous profitons de « La Nuit de la Littérature Tchèque » pour vous partager les travaux d’un auteur et de deux autrices de cette magnifique région.
Cet évènement est une occasion supplémentaire de mettre en avant les riches échanges qui existent entre Rouen Seine Normande 2028 et Budejovice 2028. C’est aussi l’occasion de mettre en avant les projets que nous allons partager avec les équipes si nous remportons le titre de Capitale Européenne de la culture pour la France en décembre prochain.
Le premier projet « Found in translation » permettra à des jeunes traducteurs et traductrices de se confronter à d’autres cultures d’Europe et d’Afrique en leur offrant la possibilité de faire des résidences longues et promouvoir ainsi la langue tchèque dans différents pays.
L’occasion aussi pour les auteurs et autrices venus de l’étranger de participer à des festivals et rencontres que Budejovice 2028 mettra en place pendant cette grande année de fête.
Le Second « Bibliocity » qui connectera les 594 librairies et bibliothèques de la région de Bohême du Sud autour d’un grand projet de partage de l’écriture et de la lecture publique.
Rouen Seine Normande 2028 se réjouit de pouvoir faire partie de ces projets et de participer ainsi à la promotion et au voyage des langues et des écrits.
LES ARTISTES
Hana D. Lehečková (1990) est diplômée de la Faculté de Théâtre de Prague en Théorie et Critique. Elle fait ses débuts en tant qu’autrice en 2012 en gagnant une compétition d’art dramatique du Théâtre Švanda, pour lequel elle présente sa pièce V(ý)chod (Entrée/Sortie). Au-delà de ses travaux pour le théâtre, elle écrit principalement pour la radio. Pour sa nouvelle psychotique Svatá hlava (Tête sacrée, 2019), elle a reçu le prix Jiří Orten en 2020. Elle travaille aussi en tant qu’éditrice littéraire.
Hana Lehečková, Sainte Tête
« Aujourd’hui j’avais envie de rien faire alors j’ai même pas enlevé mon pyjama maman était au travail et j’étais seul à la maison avec grand-mère elle elle s’en fiche de ce que je fais si je prends du pain ou des biscuits ou un mars pour le petit-déjeuner si je reste en pyjama ou si je m’habille si je laisse sur la table les tasses sales et si je me lave pas les dents si je danse tout nu dans la maison grand-mère elle s’en fiche de tout grand-mère elle me permet tout je suis allé lui changer sa couche et elle m’a dit que j’étais pas obligé que ça irait jusqu’à midi alors je lui ai laissé sa couche on a regardé la télé ensemble quand je rigolais pour des trucs marrants grand-mère rigolait aussi c’était super elle rigolait lentement un peu comme un ordinateur qui démarre et à un moment ça lui a donné un quinte de toux et j’ai eu peur.
voilà ça y est c’est malin elle va clamser il va falloir que j’appelle les croque-morts »
Klára Vlasáková (1990) est une romancière, dramaturge, et journaliste. En plus d’écrire des scénarios pour des films (le drame Ordinary Failures (Echecs ordinaires) dirigé par Critina Grosan a été présenté en avant-première au Festival International du Film de Venise en 2022), pour la télévision, des bandes dessinées, des pièces de théâtre pour la radio, elle écrit pour plusieurs médias tchèques. Son premier roman, Cracks, publié en 2020, a été nominé pour le prix Jiří Orten, récompensant les auteurs de moins de trente ans. Son deuxième roman publié cette année s’appelle Bodies.
Klára Vlasáková, Les Brêches
« LA SPHÈRE
Quand la chose se posa sur Terre – au lieu-dit le Pré de la Cure, dans une bourgade de taille moyenne –, les premières personnes à la voir pensèrent qu’il s’agissait d’une illusion d’optique : une réfraction particulière de la lumière qui disparaîtrait lorsqu’on tournerait la tête, sans doute, ou quand le soleil se voilerait. Mais elle ne disparut pas : elle restait suspendue à quelques dizaines de centimètres du sol, cette chose étrange et ronde qui devait faire dans les trois mètres de diamètre et projetait une faible lueur. On pouvait s’en approcher, la toucher, même. Certains disaient que la surface en était molle et chaude ; d’autres juraient avoir senti quelque chose bouger à l’intérieur.
Quoiqu’il en soit, le lendemain, la sphère n’avait pas disparu. Et ni la semaine suivante, ni le mois d’après. »
Šimon Leitgeb (1996) est un poète tchèque et le gagnant du prestigieux prix Jiří Orten pour son livre Betonová pláž (Plage en bêton). Il est aussi l’auteur du livre Mezi náma (Entre nous), publié en 2017. M. Leitgeb a reçu plusieurs récompenses pour ses poèmes dans des compétitions littéraires au travers de la Tchéquie et a publié des poésies dans des magazines tchèques tels que Tvar, Host, ou Lidové noviny. En 2016, ses vers ont été listés dans l’anthologie The Best Czech Poems (Les Meilleurs Poèmes Tchèques). M. Leitgeb est un voyageur avide et a été invité à lire ses œuvres dans des événements littéraires en Ukraine, en Islande, au Royaume-Uni, en Roumanie, en Autriche, en Bosnie-Herzégovine, en Albanie, et en Slovaquie. En Tchéquie, il organise régulièrement des événements littéraires dans plusieurs villes, et collabore avec des artistes locaux et internationaux. Il a organisé le festival Literatura žije! (la Littérature vit !) les quatre dernières années, et est l’hôte et créateur de la série d’événements littéraires et musicaux Mezi náma.
M. Leitgeb travaille actuellement sur le projet FOUND IN TRANSLATION dans le cadre de la candidature de České Budějovice au titre de Capitale européenne de la culture 2028. Ce projet soutient des talents de Bohême-du-Sud au travers de résidences annuelles de traducteurs et d’écrivains de plusieurs endroits d’Europe.
Šimon Leitgeb, Plage de béton
« LES VAGABONDS LUNAIRES
tonton dit
qu’on s’est retrouvés tout seuls
et qu’on devrait se comporter
comme le font les gens seuls
tonton, c’est mon meilleur copain
je hoche la tête
et je dis
qu’on est seuls à deux
/
les gens disent qu’on est des vagabonds
mais tonton dit
qu’un vagabond c’est quelqu’un
qui est tout seul
moi, ça me plaît tellement
que je me fais tatouer
le mot vagabond
au feutre, sur le bras
/
hier soir des gens ont dormi
près de notre caravane
comme ils disaient qu’ils étaient vagabonds
je leur ai montré mon tatouage
et je leur ai parlé
de la lune de jour
ils ont rigolé
alors je suis allé voir tonton
et devant le mot vagabond il a ajouté
une petite lune
il s’est fait le même tatouage
et il a dit qu’à partir de maintenant
on était complètement seuls
/
je suis bien quand on est seuls
on est des vagabonds lunaires
on se balade sur la terre
et on sait mettre le feu au ciel »